L’ancien village de reclassement
social de Mballing, un site d’accueil pour personnes atteintes de lèpre,
longtemps séparé des autres localités du département de Mbour (ouest), a
aujourd’hui retrouvé sa ‘’dignité’’, trois ans après l’abrogation de son statut
spécial.

L’ancienne léproserie, qui a
accueilli ses premiers malades dans la nuit du 13 au 14 juillet 1955, soit cinq
ans avant l’indépendance du Sénégal, semble avoir pansé ses plaies. A force d’abnégation, ses
habitants ne sont plus aujourd’hui regardés de haut par ceux des localités
voisines. ”Ce village a été créé en 1955.
Les gens ont passé leur première nuit du 13 au 14 juillet 1955 à Mballing. Ils
étaient au nombre de 122“, raconte Assane Kadam, l’actuel chef du village
dont le père, Moussa Kadam était l’intendant de cette léproserie.
Situé à 3,5 kilomètres de la
ville de Mbour, sur la route de Joal, entre l’Atlantique et les plaines
cultivables de la commune de Malicounda, Mballing semble aujourd’hui avoir
tourné cette triste page de son histoire, qu’elle partage avec d’autres
villages de reclassement social implantés à travers le pays pour servir de
léproserie.
Erigés par le colonisateur
français pour séparer les personnes atteintes de la lèpre du reste de la
population, les villages de reclassement social, au nombre neuf à travers
le pays, étaient régis par une loi datant du 25 mars 1976.
En 2022, cette loi relative au
traitement de la lèpre et au relogement des malades guéris, mais trainant des
séquelles, a été abrogée, après deux décennies de plaidoyer des habitants de
ces localités pour la suppression de ce statut spécial jugé discriminatoire.
La lèpre n’étant plus considérée
comme un problème de santé publique depuis 1995, ce statut posait, en plus, des
problèmes d’ordre administratif aux habitants de ces villages.
”La maladie même considérée
aujourd’hui comme guérie, laisse toujours des séquelles, parce que les
personnes qui en sont atteintes ont eu pour la plupart des membres amputés”,
renseigne Assane Kadam.
Sur le Boulevard des anciens, une
large route en terre, séparée par une rangée de haies, longeant la façade du
Collège d’enseignement moyen Moussa Kadam de Mballing, l’un des cinq bâtiments
originels du village, tient encore debout.
Toutes ces bâtisses, construites
à l’identique, étaient conçues pour accueillir les malades.
Le logement de fonction de
l’infirmier ainsi que l’ancien dispensaire où les patients étaient soignés sont
encore visibles, même s’ils tendent à se fondre dans le décor, happés par l’urbanisation
galopante qu’a connue le village entre-temps.
”Il y avait cinq bâtiments de
huit chambres, chacun abritant quatre lits”, explique Assane Kadam, qui est le
chef du village depuis 1999, après le décès de son père Moussa Kadam.
”De fil en aiguille, des unions
se sont tissées et le village s’est construit pour devenir aujourd’hui l’un des
plus gros villages de la commune de Malicounda“, poursuit-il.
Même s’il ne reste plus que
quelques personnes complètement guérie, mais présentant des séquelles de la
maladie, Khady, une jeune habitante de Mballing, admet que le cheminement du
village jusqu’à sa situation actuelle, ”n’a pas été facile” pour ses habitants.
Isolées, les populations de
Mballing qui ont vécu la stigmatisation dans leur chair, ont dû faire preuve de
résilience et de patience pour laisser le temps faire son œuvre.
Transformer le sentiment de rejet
en motivation
”A l’époque, tout le monde
considérait Mballing comme un village de lépreux et les gens pensaient que tous
ceux qui y habitaient pouvaient contracter la maladie. Souvent, à l’école où
partout ailleurs, les gens nous fuyaient“, se souvient-elle.
“Mballing s’est construit avec le
temps et, aujourd’hui, tout le monde veut habiter ici. Ce dont nous sommes très
fiers“, se réjouit Khady.
Pour le chef du village, la
communauté a su transformer le sentiment de rejet en une source de motivation,
qui a permis aujourd’hui au village de retrouver sa dignité.
Refusant de céder au fatalisme,
Mballing semble avoir pris sa revanche sur l’histoire.
”La nature a fait que des malades
de la lèpre ont vécu ici, mais Dieu a renversé les choses de telle sorte que
les gens qui, hier, étaient mis à l’écart, sont aujourd’hui au centre de tout
ce qui se fait dans le village“, commente-t-il, non sans fierté.
Cette sombre page de l’histoire
de Mballing tournée, le village qui aura 70 ans d’existence en juillet
prochain, a vu sa démographie monter en flèche, dépassant la barre des 5 000
habitants.
Une croissance démographique
rendue en partie possible par l’existence d’infrastructures sociales de base
modernes, notamment un poste de santé, avec un logement de fonction pour
l’infirmière et la sage-femme, mais aussi deux écoles primaires, Mballing
1 et Mballing 2.
Le village peut aussi être fier
d’avoir produit d’éminentes personnalités, dont le député Maguette Sène, maire
de Malicounda et ancien directeur général du Centre des œuvres universitaires
de Dakar (COUD).